Paroisse Notre Dame de l'Estuaire
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Paroisse Notre Dame de l'Estuaire
01/12/2021
Hors de notre vue ceux et celles qui ne croient pas comme nous. Que ne viennent pas nous trouver ceux et celles qui n’ont pas la chance d’avoir la même éducation et les mêmes codes sociaux et religieux que nous. Alors de notre chapelle hors-sol et hors-réalité, s’élève notre pieuse et impudente prière : « Seigneur, Seigneur ! » La réponse du Christ est cinglante. En rien ces pieuses exhortations ne pourront faire de vous des fils et des filles du Royaume. Un seul chemin nous est possible : chercher à faire la volonté de ce Dieu que Jésus manifeste comme son Père, et essayer de l’accomplir le plus loyalement possible.
Ce qui est capital pour chacun de nous, c’est de passer d’une certaine idée de Dieu et de la religion à la recherche réelle du désir de Dieu, sur moi, sur nous, sur le monde qui nous entoure et ensuite d’essayer d’ordonner notre vie pour qu’elle soit en cohérence plus grande avec la volonté de Dieu qui est vie, paix et joie pour tous. Pas seulement pour moi et ceux qui auraient l’extraordinaire privilège de me ressembler. Cette quête ne peut être l’affaire que de toute une vie qui va se plonger, jour après jour, dans la lecture et la prière de la parole de Dieu. Et jamais seul, toujours avec d’autres, en petites communautés d’Eglise. Ce n’est qu’à ce prix que nous nous éloignerons de ces constructions spirituelles qui ne s’avèrent être que des mirages mortifères.
Mère Marie Skobtsov confessait qu’il lui arrivait de s’endormir durant les offices monastiques. Il est vrai qu’elle se levait tous les matins à trois heure pour aller récupérer quelques invendus au grand marché des Halles afin de nourrir les femmes perdues, les immigrés et les s.d.f. qu’elle recueillait dans sa communauté de la rue de Loumel à Paris… Il n’y a pas d’autres chemins pour faire la volonté de Dieu que de nourrir les affamés, donner à boire aux assoiffés, vêtir ceux qui sont nus, visiter les malades et les prisonniers, donner asile aux étrangers (Mt 25). Sans cette orientation vers le frère fragilisé, toute spiritualité risque fort d’être illusion et la prière un triste exercice d’auto-apitoiement (saint Benoît, le Père des moines d’Occident, demandait à ses frères d’accueillir tout hôte de passage comme le Christ lui-même). Aimer son prochain a un coût, mais ce n’est qu’à ce coût-là que la volonté du Père se révèle réellement fête pour tous.
P. Pascal-Grégoire
30/11/2021
On l’avait vu à Capharnaüm et on disait maintenant qu’il s’était retiré dans la montagne qu’est derrière Bethsaïde. Il fallait bien que je me fasse une idée. Ça serait l’affaire d’une couple de journée (d’où le pain de ma femme) mais y avait un monde pas possible sur les chemins, comme si tous les traîne-misère s’y étaient donnés rendez-vous…
Des boiteux, des aveugles, des estropiés, des muets et j’en passe… Des heures et des heures, il les reçoit, il leur parle, il va même jusqu’à les toucher (comme si les règles de pureté, c'étaient pour les chiens…) et là, il se passe quelque chose ! Les gens s’interpellent les uns les autres, ça se remet debout, ça rit, ça applaudit et ça n’arrête pas. On entonne des psaumes à tue-tête et on n’en revient pas : ce qu’on lisait à la synagogue dans le rouleau du prophète Isaïe est en train de se réaliser sous nos yeux : « Les sourds, en ce jour-là, entendront les paroles du livre. Quant aux aveugles, sortant de l’obscurité et des ténèbres, leurs yeux verront. » (29, 18), « Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie ; car l’eau jaillira dans le désert, des torrents dans le pays aride. » (35, 5-6) et encore : « L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération. » A parler ainsi d’Isaïe, il ne manquerait plus qu’un banquet à organiser pour qu’on se croit arrivé au jour du Messie, vous vous rappelez encore ce qui était écrit : « « Dieu préparera pour tous les peuples un festin extraordinaire » (Is 25, 6).
Mais côté « festin », c’est pas encore au point… C’est plutôt le concert des estomacs qui gargouillent. Tout le monde n’a pas une femme comme la mienne. Mais pourquoi l’un de ses disciples me fait signe ? Qu’est-ce qu’il me veut ? Mais qu’est-ce que j’ai fait ?
C’est ce que tu donneras, toi aujourd’hui, de ton histoire et de ta pauvreté, qui rendra possible l’émergence des signes du Royaume pour notre monde et le salut de Dieu pour tous les hommes, tes frères.
P. Pascal-Grégoire
29/11/2021
Le lac est immense à ses yeux d'enfant, et dire que leur père leur a raconté qu'il y a des mers encore tellement plus grandes avec des ports cent fois plus grands que Capharnaüm, plus grands même que celui de Tibériade avec des gens qui parlent d'autres langues, d’autres accents, avec de drôles de façons de vivre... Comme il raconte bien tout cela, leur papa, les yeux brillants de ces lumières lointaines comme des étoiles... C’est pour cela que Yonas lui a donné un nom qui vient de loin, Andreas, un nom qui parle d’îles qui jouent avec les dauphins, de capitaines au long-cours, de pirates et de marchés fabuleux débordant de perles et d’épices…
C’est sûr, lui aussi, qu'est-ce qu'il aimerait partir découvrir des rivages lointains, ressentir d'autres vents sur son visage, voir si la lune est la même là-bas, goûter à d'autres poissons et jouer avec des enfants de toutes les couleurs. Bien sûr, cela lui fera un peu mal de quitter son petit village de Bethsaïde, surtout sa famille, son grand frère Simon... Il est tellement heureux dans sa famille. Comme il aimerait que tous les enfants de son village aient la même chance que lui, et aussi les enfants de Chorazein, et aussi les enfants de Capharnaüm... Il ferme les yeux, les plisse très fort. Être tous ensemble une grande famille, ce serait tellement formidable...
Le Dieu trois fois Saint d’Israël est le Dieu qui croit aux rêves des petits enfants. Viendra un jour où sur le rivage du même lac, un inconnu l'invitera à oser l'improbable départ vers des horizons toujours nouveaux. Dieu croit à nos rêves d'enfants mais nous-mêmes, sommes-nous restés fidèles à nos rêves d'enfants ?
28/11/2021
Maintenant peuvent fuser les railleries, les sourires entendus des uns et des autres, l’indignation ou même le courroux du rabbi de Nazareth. Il a été jusqu’au bout de ce qu’il pouvait faire pour son ami. « Je vais aller moi-même le guérir ». Le centurion n’en revient pas, pas plus que les autres villageois dont les cœurs balancent entre incompréhension et indignation… Un rabbi - même de Nazareth - se rendre chez un païen, un Romain...
« Seigneur, je ne suis pas digne… dis seulement une parole ». Et cette confiance, pauvre et nue, livrée en pâture à tous ces hommes pieux et sourcilleux, farouches et fiers de l’Alliance de leurs pères, fait naître une admiration sans borne dans le cœur de Jésus. Se lèvent alors à ses yeux ces foules innombrables de tous ceux et de toutes celles qui, dans un même acte de confiance infini, se tourneront vers lui par amour ou affection des leurs. Non seulement ils verront exaucer leur prière, mais la ténacité même de leur amour inquiet pour la vie fragilisée, mise en danger, sera le lieu de la réalisation de leur salut : « Amen je vous le dis : beaucoup viendront de l’orient et de l’occident et prendront place avec Abraham, Isaac et Jacob au festin du Royaume des Cieux ».
Alors même que nous faisons si souvent l’expérience qu’il y a des dimensions brisées, paralysées en nos vies, que nous accompagnons des êtres proches qui sont à terre, blessés en leurs corps ou leurs âmes, qu’attendons-nous pour en parler au Christ ? A l’aune de notre prière et de notre inquiétude, nous gouterons à l’infini de la tendresse de Dieu à notre égard et de nos proches quelques soient les aléas de nos histoires ou la géographie de nos parcours. Oui, osons, nous-aussi, provoquer l’admiration du Christ en misant tout sur l’infini de son Amour.
P. Pascal-Grégoire Delage
27/11/2021
Nuées sombres de l’incertitude sanitaire qui persiste encore et difficultés à donner corps à un monde qui pourrait être un peu différent après, en mieux. Rumeurs de guerre qui se nourrissent de la misère sempiternelle des peuples dépouillés, propulsant sur les routes meurtrières de l’exil les plus fragiles, les plus démunis… et des petits tyrans locaux qui en profitent pour avancer leurs pions intéressés. Nos communautés chrétiennes encore groggy et sonnées par des trahisons qu’elles ne pouvaient ou ne voulaient imaginer, et les gestes qui manquent encore et encore pour dire que cela ne sera plus possible… Ne semblent constants que la nuit et le brouillard où nos cœurs vont s’alourdissant de trop de questions, de trop de craintes, de trop d’inéluctable. Les corps et les âmes ne s’engourdissent pas tant au manque de chaleur qu’au manque d’espérance...
Le danger, il est là ! Bien réel : se laisser endormir et finalement engloutir par les sirènes du cynisme et du désenchantement. Et le Christ de nous secouer en ce premier jour de l’Avent : quels que soient ces événements contraires et terribles que nous rencontrons, demeure l’invitation pressante : « redressez-vous et relevez la tête, car votre délivrance est toute proche ! » Il s’agit de ne pas s’endormir : « tenez-vous sur vos gardes de peur que votre corps ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie » ! Il s’agit de ne pas se laisser aller à un sommeil mortifère qui nous arracherait à nous-mêmes et à la visite proche de notre Dieu, aujourd’hui comme hier dans la nuit de Palestine.
Un drôle de petit santon de l’abbaye de Jouarre vient nous rejoindre pour ouvrir ce temps de l’Avent : c’est le « porteur-de-jour » qui s’avance avec son coq. La venue du Prince de la Paix est aussi inéluctable que le surgissement du jour quoi qu’il en soit des nuits d’effroi et de stupeur. Ce coq qui va annoncer l’aurore toute proche, est aussi celui qui nous donne aujourd’hui à entendre comme par trois fois une autre parole murmurée dans une aube de Palestine, une question, la seule qui vaille et qui, seule, nous conduira plus loin que la nuit : « et toi, m’aimes-tu ? »
Père Pascal-Grégoire DELAGE