Paroisse Notre Dame de l'Estuaire
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Paroisse Notre Dame de l'Estuaire
Prendre le temps de lire et de méditer la Parole de Dieu
09/12/2022
« Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent, dites aux gens qui s’affolent : ‘Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver. » « …Où t’en vas-tu dans tes habits de fête ? Ne vois-tu pas s’allumer les regards. Il se pourrait qu’il en perde la tête, celui que tu vas voir… Judith, oublierais-tu qu’au pied de nos murailles, Holopherne est venu.
Son armée nous assaille… » murmurent les femmes de Béthulie sur le passage de la sage veuve qui, après des mois de réclusion en sa demeure, vient de sortir parée comme une fiancée, accompagnée de sa servante. Par deux fois, Israël a refusé de se soumettre aux ordres du roi d’Assyrie, Nabuchodonosor, alors celui-ci a lancé ses plus puissants chiens de guerre contre la province rebelle. La résistance s’organise mais que peuvent des villageois et des paysans contre le rouleau compresseur de la plus grande armée de l’époque ? Le siège a été mis devant cette petite ville de Béthulie qui contrôlait les passes montagneuses menant à Jérusalem. Il n’y a plus qu’à attendre que la faim et la soif poussent les habitants à se rendre. L’Eternel, Béni sois son Nom, semble avoir détourné sa Face…
Ce n’est qu’au huitième chapitre du livre qui porte son nom que se lève Judith. Cette jeune dont la piété plus encore que la beauté faisait l’admiration de tous apprend que les autorités s’apprêtent à capituler. De suite, elle les convoque chez elle, leur reproche leur manque de foi : Dieu accomplira par sa main une action décisive en faveur de son peuple. Il y a une telle fermeté dans son regard, une telle conviction dans sa voix, que le chef de la ville, Ozias (qui porte par ailleurs le nom d’un des ancêtres de Jésus) la bénit simplement, sans poser la moindre question : « Va en paix... » (Ju 8, 35). Après avoir prié, Judith passe à l’action. Revêtue de ses plus beaux atours, Judith marche sans hésiter en direction du camp d'Holopherne. Judith se présente comme une déserteuse prête à tout pour sauver sa vie. Conduite à Holopherne, elle l’envoûte. Il n'en a plus que pour son visage et son corps séduisants et elle, durant trois jours, lui fait miroiter les plaisirs les plus rares, les promesses les plus exaltantes : « Dieu m’a envoyée pour réaliser avec toi des entreprises dont la terre entière sera stupéfaite quand on les apprendra ? » (Ju 11, 16). La jeune femme joue et se dérobe, le vin coule, Holopherne s’effondre et le fil d’un sabre affuté met fin à son ivresse et à sa vie. La jeune femme regagne paisiblement Béthulie, sa servante portant la tête d’Holopherne dans sa besace. Pris d’effroi, les Assyriens détalent comme des lapins…
La vengeance de Dieu s’accomplira-t-elle dans la violence et le mensonge, fussent-ils aussi séduisants et enjôleurs que le visage et le corps de Judith ? L’histoire de Judith est d’abord une parabole de la présence de Dieu à son Peuple. Le nom de Judith signifie d’abord la « Juive », Nabuchodonosor n’a jamais été roi des Assyriens et Béthulie n’existe pas sur la carte d’Israël. Le projet de ceux qui nous ont conté l’histoire de Judith, à une époque où la Terre d’Israël devait faire face aux attaques des royaumes héritiers d’Alexandre le Grand, est d’abord théologique : soutenir l’espérance et la foi de leurs contemporains qui, dans une Judée à l’avenir incertain, risquent de se décourager. Dieu ne les abandonne pas, il demeure comme toujours le Dieu fidèle à son peuple et il choisit pour le sauver les moyens les plus insignifiants : une faible femme qui n’a que sa propre confiance en Dieu et sa sainteté à opposer aux plus puissantes armées d’alors. La révolte de Dieu se nomme Espérance et aux jours de Judith comme aux jours de Marie, celle-ci prend le visage d’une jeune femme dans un village si petit qu’il en est oublié par les cartes officielles.
P. Pascal-Grégoire (avec la mémoire d’une belle ballade biblique de Mannick).