Paroisse Notre Dame de l'Estuaire
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Paroisse Notre Dame de l'Estuaire
Prendre le temps de lire et de méditer la Parole de Dieu
05/12/2022
« Le Seigneur est le Dieu éternel, il crée jusqu’aux extrémités de la terre, il ne se fatigue pas, ne se lasse pas. Son intelligence est insondable. Il rend des forces à l’homme fatigué, il augmente la vigueur de celui qui est faible. » L’épisode est énigmatique. Difficilement déchiffrable car la parole y est ambivalente : elle porte sur la mort et sur la vie, sur la réalisation du projet de l’Éternel et sur la fragilité intrinsèque de l’homme. Avec la bénédiction de son beau-père Jethro, Moïse - qui a entendu l’appel de Yahvé au mont Horeb -, se prépare à retourner en Égypte pour y affronter Pharaon.
Le moment est venu et l’Éternel a prévenu Moïse : « Va, retourne en Égypte, car ils sont morts, tous ceux qui en voulaient à ta vie. » (Ex 4, 19) comme plus tard, bien plus tard, un autre homme reconduira les siens dans leur pays sur l’indication de l’ange (Mt 2, 20). De bon matin, Moïse prend sa femme et son fils et les installe sur l’âne, puis, ensemble, ils prennent la route.
« Or, en cours de route, au campement de nuit, le Seigneur rencontra Moïse et chercha à le faire mourir » (Ex 4, 24). De quoi parle-t-on ? Dieu chercherait-il à faire mourir celui qu’il envoie ? S’agit-il d’une menace physique ou spirituelle ? Juste avant cet épisode, Dieu s’est adressé à Moïse : « Tu diras à Pharaon : “Ainsi parle le Seigneur : Mon fils premier-né, c’est Israël. Je te dis : Laisse partir mon fils pour qu’il me serve ; et tu refuses de le laisser partir ! Eh bien, moi, je vais faire périr ton fils premier-né !” » (Ex 4, 22-23). Y aurait-il un rapport, une relation entre la mort du premier-né de Pharaon, celle de Moïse, voire celle du propre fils de Moïse ? L’affaire est des plus obscures mais l’heure est gravissime. Tout le projet de Dieu semble comme suspendu, à l’arrêt dans cette halte où Moïse perd pied et semble aux portes de la mort. Que va-t-il se passer ? Qu’est-ce que l’homme dans sa condition précaire et fragile pourrait-il opposer à la manifestation redoutable de la puissance divine ? C’est alors que Zippora, l’épouse de Moïse, intervient. Au cœur de cette nuit, elle circoncit son enfant. Elle en fait un fils de l’Alliance – ce que Moïse n’avait pas fait – « alors il le laissa » (Gn 4, 26). La vie offerte de l’enfant pour la vie du père. Ou plus exactement, Zippora a compris que Moïse ne pourra parler de vie et de mort qu’en renonçant à s’identifier à la toute-puissance de la mort ou de la vie. Le fils de Moïse n’est pas que le fils de Moïse. Il est aussi le fils de l’Éternel. La vie de l’autre n’appartient pas à un autre homme, fusse son père ! Avant de conduire son peuple sur des chemins de liberté, Moïse a dû apprendre à mourir à cette tentation chimérique de la toute-puissance qu’elle soit paternelle ou autre. Et cela, Moïse l’a reçu de son épouse Zippora. Dans l’expérience la plus intime de son cœur et de son corps, il saura ce que cela veut dire mourir et vivre. Ce ne seront pas des mots de vent, des mots de discoureurs qu’il prononcera alors devant Pharaon.
On ne sait pas trop ce que fit ensuite Zippora… Le « alors il le laissa... » assez mystérieux peut aussi s’entendre comment Moïse laissa aller son fils vers sa propre vie avec sa mère. Zippora s’efface volontairement pour laisser son « époux de sang » aller vers sa mission et son destin. Son époux… Elle sait que l’Éternel, Béni soit son Nom, le lui rendra car, elle-aussi, a su renoncer à sa toute-puissance d’épouse. Ce sera alors plus tard lors d’une étape sur la route de Canaan (Ex 18, 5-6)… car Dieu redonne toujours en sa grâce ce que nous avons su lui abandonner.
P. Pascal-Grégoire