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Ruth l’étrangère

27/11/2022

Ruth l’étrangère

 « Un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David, un rejeton jaillira de ses racines. Sur lui reposera l’esprit du Seigneur : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur qui lui inspirera la crainte du Seigneur. Il ne jugera pas sur l’apparence ; il ne se prononcera pas sur des rumeurs » (Is 11, 1-3). De qui parle le prophète Isaïe ? D’un fils du roi Achaz ou d’un autre prince royal ? D’un enfant à naître prochainement ou à attendre pour des générations à venir ?

La Parole de Dieu reste volontairement obscure pour fonder comme un berceau d’espérance dans la mémoire d’Israël à l’enfant de la promesse. Le seul ancrage qui est donné est le rappel – et par deux fois – de la lignée de Jessé, père de David. Cette même lignée qui tisse le fil rouge de la généalogie mathéenne : « Booz, de son union avec Ruth, engendra Jobed, Jobed engendra Jessé, Jessé engendra le roi David » (Mt 1, 5-6). Ainsi non seulement la Parole de Dieu indique discrètement son désir de rejoindre son peuple à Bethleem, la minuscule cité de Booz, si souvent malmenée à l’époque des Juges, mais il indique clairement que la grand-mère du puissant roi David, figure du Messie à venir, serait une étrangère, et même de ce peuple si peu fréquentable des Moabites aux origines douteuses.

 

Décidément, Dieu n’est guère regardant en matière de pureté sociale ou de prétention ethnique. A travers l’histoire de Ruth, l’Éternel, Béni soit son Nom, dénonce même à jamais ce genre de chimère raciale que les humains s’ingénient à gonfler pour masquer leurs appétits de puissance ou de terres. Non seulement Ruth l’étrangère est l’une des très rares femmes nommées par la généalogie conservée par Matthieu, mais elle eut le privilège très rare d’un rouleau de la Loi à son nom, rouleau rédigé très probablement à une époque où Israël, de retour de l’épuisante épreuve de l’Exil à Babylone, se laissait tenter par les sirènes d’un repli sur soi tout autant mortifère que xénophobe. Que l’on se souvienne du Livre d’Esdras : « Le prêtre Esdras se leva et leur dit : « Vous avez été infidèles en épousant des femmes étrangères, et vous avez aggravé l’offense d’Israël. Mais maintenant, rendez grâce au Seigneur, le Dieu de vos pères, et faites sa volonté : séparez-vous des gens du pays et des femmes étrangères. » (Esd. 10, 10-11). En gravant l’histoire de Ruth dans le Livre de Sa Parole, l’Éternel manifeste à jamais son refus de tout ostracisme et de tout rejet de l’étranger. Ruth sera aïeule du roi David, et par lui, ancêtre du Christ. 

 

Avant même de venir en terre de Juda, Ruth n’avait-elle pas déjà signifié l’obsolescence des guerres tribales et l’inanité du rejet de l’autre ? Dans le pays de ses aïeux, elle n’avait pas hésité à épouser un Hébreux, un Bethléemite qui avait été contraint d’abandonner son lopin de terre en raison de la famine récurrente, un migrant sans un sou, un va-nu-pieds. Entrée par ce premier mariage dans un clan éphratéen de Juda, la jeune Ruth, devenue prématurément veuve, n’en demeurera pas moins attachée à sa belle-mère Noémie et au Dieu d’Israël qu’elle lui a fait découvrir. Revenant avec elle à Bethléem, et avec la tendre complicité de sa belle-mère, elle finira par épouser Booz, « un proche parent qui a sur elle droit de rachat » (Rt 4, 9-10). Aux lois humaines à vernis religieux, Dieu lui-même oppose un droit supérieur, celui du droit à la vie et à nouveau départ, une nouvelle chance. Et c’est de ce surgeon imprévu et imprévisible que va naître la lignée puissante de Jessé. Quelles chances laissons-nous à notre tour aux surgeons et rejets intempestifs de nos vies ou de nos proches ? Et si c’est là que venait s’enter la présence lumineuse de l’enfant de Bethléem ?

 

P. Pascal-Grégoire