Paroisse Notre Dame de l'Estuaire
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Paroisse Notre Dame de l'Estuaire
Prendre le temps de lire et de méditer la Parole de Dieu
19/03/2022
De par sa vocation, le prophète appartient – parfois à son corps défendant – à l’avant-garde du projet de Dieu, faisant apparaître par sa parole et son geste le monde selon le cœur de l’Éternel. Qu’est-ce qu’a bien pu penser le roi d’Israël – peut-être Joram le fils d’Akhab – lorsqu’il vit arriver à sa cour le généralisme du roi de Damas, Naaman venant lui réclamer sa guérison de la lèpre accompagné de précieux et spectaculaires présents ?
De la pure provocation de la part du roi de Damas s’affole-t-il. Comment son ennemi a-t-il pu inventer un motif aussi incroyable pour pouvoir lui déclarer la guerre… Ne cessant de conduire ses troupes contre les roitelets voisins mais souvent avec un succès mitigé, le roi d’Israël s’abandonne au désespoir, son accablement l’aveuglant même sur la présence fidèle de Dieu à son peuple : « Est-ce que je suis Dieu, maître de la vie ou de la mort ? »
Le prophète Élisée a entendu le vent de panique qui souffle sur la Cour. Il ne met en cause ni le manque de foi du roi, ni les croyances païennes de Naaman, ni son appartenance à un royaume ennemi. Il sait qu’il a été suscité pour manifester la seigneurie de Yahvé qui, depuis Israël, rayonne sur tous les pays d’alentours. Il ordonne au général syrien de venir jusqu’à lui afin qu’il lui délivre un oracle qui lui procurera la guérison. Nous avons entendu les objections offusquées de Naaman. Non seulement le prophète n’est pas sorti de sa demeure pour venir à sa rencontre, mais ce qu’il lui a proposé est d’une trivialité affligeante : aller se plonger dans les eaux tièdes du Jourdain.
Naaman attendait sa guérison de rituels magiques et compliqués, passablement douloureux pour plus de sureté. Mais le prophète récuse ces pratiques qui feraient croire que l’homme puisse faire pression sur Dieu pour l’inviter à une autre relation avec l’Éternel, une relation faite de confiance et d’abandon. Un chemin qui fait aussi appel à la liberté et à la volonté de l’homme. Le général se refuse à une telle démarche. Pas tant parce qu’elle lui paraissait trop facile mais qu’elle n’offrait pas assez de garantie. Finalement le général n’accédera à la demande de foi du prophète et à la guérison que par l’insistance de ses serviteurs, des païens pourtant eux-aussi, le suppliant de faire confiance à Élisée. Passage des rites religieux qui nous rassurent, à la foi qui libère et rend possible une expérience du Dieu Trois Fois Saint.
Le temps du Carême nous invite à poser des gestes qui nous creusent comme le jeûne, la prière ou une attention plus grande au partage. Ces gestes ne nous garantissent rien, ne nous renferment pas sur nous-mêmes, mais comme pour Naaman, nous invitent à une expérience plus grande de la confiance divine, et cette confiance nous engendre à une fraternité qui ne s’arrête pas à notre clan ou à l’horizon des matériellement possibles. Comment saurons-nous à la manière du prophète Élisée inviter les hommes et les femmes de notre temps à choisir la confiance en refusant les fausses sécurités des idoles et les gesticulations des illusionnistes ? Le monde d’Elisée n’était pas moins violent et terrible que le nôtre mais il a rendu possible d’autres chemins…
P. Pascal-Grégoire