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Lève-toi, va à Ninive

08/03/2022

Lève-toi, va à Ninive

Nous connaissons tous l’histoire de Jonas, le prophète à contrecœur. Lorsqu’il entend Dieu lui demander de partir pour Ninive afin d’y proclamer un appel à la conversion, il saute dans le premier bateau en partance pour la direction la plus opposée, la très lointaine Tarsis, la cité du Guadalquivir en extrême-occident. 

C’est qu’il faut le comprendre ce pauvre Jonas. Dieu l’envoie dans la gueule du loup. Il y a encore peu les troupes du roi de Ninive se sont emparées de la capitale d’Israël, Samarie. Elles l’ont incendiée, jetée à bas, ont massacré une partie de la population avant d’emmener en captivité la majorité des habitants de la capitale déchue tout comme les villageois des principales bourgades d’Israël, images qui nous sont tragiquement contemporaines. Ne reste des fidèles de Yahvé que la cité de Jérusalem et quelques arpents de terre autour. Et Dieu se prépare à détruire Ninive ! Quelle excellente nouvelle pour Jonas… Surtout ne prenons pas le risque de faire dérailler une si réjouissante perspective. Alors cap sur Tarsis et le sud de l’Espagne !

 

Et puis il y a eu la baleine. Jonas découvre que Dieu est bien plus entêté que son prophète. Le salut qu’il propose n’est pas réservé uniquement à un peuple ou à groupe de croyants triés sur le volet. La cité de Samarie est bien tombée mais victime de ses propres démons, de sa morgue et de son iniquité. Qu’on se rappelle les appels à la repentance des prophètes  Amos et Osée. Que Dieu accorde sa miséricorde à tous les peuples, Jonas aurait bien dû s’en souvenir, lui dont la tradition juive fait le fils de la veuve qui recueillit le prophète Élie à Sarepta dans le sud-Liban (Pirké déRabbi Eliezer, 33). Sa  mère est donc une païenne comme lui, Jonas. Pourtant lorsqu’il mourut alors qu’Élie vivait sous leur toit, c’est bien le prophète de Yahvé qui le ressuscita. Il n’est pas possible de mettre des frontières ethniques à la miséricorde divine.

 

Jonas s’est donc enflammé d’une passion totale et exclusive pour Israël au contact d’Élie. Ainsi selon le Midrash, s’il s’enfuit à Tarsis, c’est pour défendre son peuple en refusant de communiquer à Ninive, la cité païenne, le message divin. Jonas se dit en lui-même : « Les habitants de Ninive sont finalement des gens bien et ils ne tarderont pas à se repentir si je leur fais part des menaces divines. Cela ne fera que mieux ressortir les propres infidélités de mon peuple ! » Jonas, ton nom signifie « Colombe ». Comme au temps de l’Arche, la colombe est le signe de cette terre nouvelle que Dieu rêve d’offrir en partage à la multitude des fils d’Adam. Dieu veut le salut de tous les hommes, quelques soient leurs cultures ou leurs religions ou non-religion.

 

Comme Jonas, cela peut parfois bien m’agacer. Je connais comme lui la miséricorde divine et son inlassable patience mais cela ne m’arrange pas quand elle se manifeste à l’égard de groupes ou de peuples qui ne sont pas les miens, ou encore de peuples violents (mais attention à ne pas confondre dirigeants et peuples…). Et pourtant ! Le baptême a fait de nous un peuple de prophètes qui, par vocation, n’a d’autre raison d’être que de crier que Dieu veut la vie de ses enfants et qu’il les exhorte à être des vivants et des frères dans l’aujourd’hui de nos jours, les uns avec les autres, les uns pour les autres. C’est cela la conversion. Seigneur, vers quelle Ninive m’enverras-tu aujourd’hui ? Pour quelle Ninive ferai-je monter ma prière ?

 

P. Pascal-Grégoire