Paroisse Notre Dame de l'Estuaire
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Paroisse Notre Dame de l'Estuaire
05/04/2022
Le choix de cette première lecture tirée du Livre de la Genèse semble s’éloigner de la grande méditation proposée par la liturgie sur la passion à venir de notre Seigneur. Peut-être est-ce en raison de ce qui au cœur de l’Évangile de ce jeudi, à savoir l’exultation d’Abraham entrevoyant le jour du Christ.
En revenant au cycle de celui qui se nomme encore Abram, nous découvrons qu’il est un homme encore en attente, en incomplétude, qui se bat avec sa finitude et finalement avec la mort.
Certes Dieu l’a bien appelé, et à plusieurs reprises, et Abram lui a répondu, loyalement, généreusement. Mais il a maintenant 99 ans et si Dieu n’a cessé, et à de multiples reprises, de lui promettre une descendance qui serait source de bénédiction pour toutes les nations, Abram n’a toujours pas d’héritier légitime. Il a bien un neveu, Lot, mais c’est un triste sire, un peu palot, qui pour l’instant goûte avec sa femme et sa famille au confort high-tech de Sodome. Il a bien eu un enfant, illégitime, de l’esclave Hager mais cet enfant est né de l’initiative de son épouse Saraï, pas de la demande de l’Éternel. Son héritage sera pour un lointain parent, Eliezer de Damas. A son arrivée en Canaan avec son clan, il y eut la famine, la nécessité de descendre en Égypte en migrants, le retour et la nomadisation dans le Néguev et les guerres à mener contre les petits royaumes locaux. Pas vraiment une vie rêvée. Les promesses de l’Alliance semblent bien lointaines, voire illusoire.
C’est à cet homme marqué dans sa chair, peut-être amer ou désillusionné quant à la promesse faite par l’Éternel, un Éternel d’ailleurs devenu bien silencieux depuis plus de 20 ans, que la Parole va s’adresser. A cet homme tout juste bon pour la mort, une nouvelle fois, le Seigneur apparut. Il est dommage que notre péricope liturgique ne nous fasse pas entendre la parole inaugurale qui accompagne cette soudaine théophanie : « C’est moi le Dieu Puissant. Marche en ma présence et sois intègre. Je veux te faire don de mon alliance entre toi et moi, je te ferai proliférer à l’extrême » (Gn 17, 1-2). C’est à cet homme au trois quarts mort que l’Éternel ordonne de marcher et de vivre. A cet homme sans enfant légitime qu’il promet une descendance infinie et plus, encore… La promesse non plus de faire alliance avec lui, mais de lui donner son alliance. L’Alliance comme un présent.
Il ne s’agit pas de récompenser la fidélité d’Abraham. Ce serait bien trop peu, trop petit, trop mesquin pour Dieu. Dieu vient habiter la fidélité même d’Abraham et de son épouse. Dans leur extrême vieillesse, vient exploser une vie nouvelle, la naissance ô combien inattendue d’Isaac. C’est bien pour cela qu’ils doivent changer leur nom et devenir des êtres nouveaux, mieux, des êtres neufs. C’est bien là l’expérience de la Pâque, l’expérience du baptême, l’expérience du surgissement de la vie divine au cœur de la mort et de la caducité. Ton nom est d’être vivant au sein d’une alliance éternelle.
P. Pascal-Grégoire