Paroisse Notre Dame de l'Estuaire

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Carême 2022

Salut de ceux qui espèrent

02/04/2022

Salut de ceux qui espèrent

Les textes des premières lectures de cette dernière semaine de Carême nous invitent à entrer plus en profondeur le mystère de la Passion et de la Résurrection de notre Seigneur. Ainsi aujourd’hui nous est donné à contempler le sort de l’innocent condamné à mort injustement. 

Suzanne dont le nom signifie « Lys » en hébreux, est la femme, « très belle et craignant Dieu » d’Iokim, un déporté à Babylone. Accusée d’adultère par deux vieillards libidineux qui s’étaient efforcés en vain de la séduire, elle est condamnée à mort injustement et emmenée pour être lapidée. 

 

Ce qui est étonnant d’emblée, c’est que le peuple dans sa totalité condamne Suzanne sans autre forme de procès. Il est vrai qu’il a été informé de l’inconduite supposée de la jeune femme par deux hommes qui appartiennent au groupe des « Anciens », une assemblée qui est la lointaine ancêtre du Sanhédrin de Jérusalem. Ces Anciens sont censés être des sages, vertueux, attentifs au respect de la Loi. En fait, ils se conduisent comme deux Tartuffe cherchant maintenant à noyer dans le sang la voix de celle qui pourrait démasquer leurs menées impies. Et personne ne prête attention à la prière de Suzanne. Personne… sinon l’Éternel !

 

La réponse de l’Éternel ne sera ni dans la tempête, ni dans le tremblement de terre. La Parole de Dieu s’incarnera dans la voix d’un tout jeune homme qui ne supporte pas le mensonge, qui n’est que frémissement devant ces menées homicides, révolté contre ces loups qui hurlent en bande. Daniel n’a que sa voix et son courage car grand est le risque d’être déchiqueté à son tour par la foule survoltée par la perspective d’une mise-à-mort et l’aveuglement de sa bien-pensance. L’Esprit du Seigneur fait de Daniel un prophète et un témoin de la réprobation de Dieu face à la malhonnêteté et la violence des hommes.  Et Daniel de faire appel à quelque chose qui continue à habiter la mémoire des hommes : l’aspiration à la vérité, le refus de chosifier l’autre… Rappeler que cette pitoyable femme condamnée à servir d’exutoire à toutes ces tensions qui traversent la communauté des exilés, est d’abord et avant tout une fille d’Israël et leur sœur. La parole du prophète rend la vue à ses frères.

 

Dieu se dit par la parole de son prophète, fait corps avec lui dans la cohérence et la protestation de sa vie. La parole du prophète rend aussi accessible à ses compagnons leur aspiration enfouie à la fraternité et la dignité offerte par l’Éternel. Un larron condamné à mort découvre son sauveur dans un agonisant torturé à mort, un officier au cœur cuirassé reconnaît le Fils de Dieu dans un rejeté de son peuple, un membre du Sanhédrin pointilleux son libérateur dans les ultimes soins prodigués au cadavre d’un maudit crucifié… La prière du supplicié s’élève dans l’air glacé : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné… » Et la prière du psaume 21 se poursuit sur les lèvres muettes des disciples : « Vous qui le craignez, louez le Seigneur, glorifiez-le, vous tous, descendants de Jacob, vous tous, redoutez-le, descendants d'Israël. Car il n'a pas rejeté, il n'a pas réprouvé le malheureux dans sa misère ; il ne s'est pas voilé la face devant lui, mais il entend sa plainte. Tu seras ma louange dans la grande assemblée ; devant ceux qui te craignent, je tiendrai mes promesses… Et moi, je vis pour lui : ma descendance le servira ; on annoncera le Seigneur aux générations à venir. On proclamera sa justice au peuple qui va naître : Voilà son œuvre ! »  

 

P. Pascal-Grégoire