Paroisse Notre Dame de l'Estuaire

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Carême 2022

Faites taire le prophète !

14/03/2022

Faites taire le prophète !

Sur notre route de Carême, il nous a été donné d’accueillir la Parole de Dieu portée par les grands prophètes d’Israël : Isaïe, Ézéchiel, Jonas… En ce jour, nous rejoint la parole d’un autre grand prophète, Jérémie. Ce dernier est envoyé en mission auprès des habitants de Jérusalem, contemporain de la génération qui verra la prise et la destruction de la ville en - 587.

 Dans sa jeunesse, Jérémie a été marqué par la réforme spirituelle et liturgique initiée par le roi Josias, réforme dont les grandes lignes seront conservées dans le Livre du Deutéronome, insistant sur la nécessité de la conversion intérieure, d’un attachement personnel au Seigneur qui vont se traduire par une exigence de rectitude et de justice à l’égard du prochain.

 

Mais comme elle est difficile à accueillir cette Parole de vie tant à l’époque de Jérémie qu’à la nôtre. C’est si tentant de faire fonctionner la religion comme une super-assurance. Tant de moutons sacrifiés et une année garantie sans sécheresse ou sans invasion de criquets ! Un bœuf offert et c’est une bonne santé assurée pour tous les membres du clan. Comme si on pouvait acheter Dieu ! Comme si l’Éternel pouvait avoir un quelconque intérêt pour ces petits marchandages… alors que le Saint, Béni soit son Nom, n’a qu’un désir, une seule attente ardente : que ce peuple qu’il a suscité, qu’il a tiré des impasses de la captivité d’Égypte soit comme le laboratoire d’une humanité selon son cœur divin, fraternel envers son prochain, confiant en son Seigneur. Et dire que certains osent même offrir au Seigneur des bêtes boiteuses ou borgnes. Comme si on pouvait duper l’Éternel !

 

Devant cet aveuglement spirituel, ce fourvoiement de la religion, Jérémie ne cesse de presser ses contemporains de se réveiller enfin, de devenir enfin conséquents avec l’offre de grâce que Dieu manifeste par l’entremise de ses prophètes. Alors que le territoire de Jérusalem s’est réduit drastiquement à quelques arpents de terre dans un Moyen-Orient entièrement assujetti au roi de Babylone, l’Éternel préconise par l’entremise de son prophète d’opter pour une politique déférente et humble, sans provocation ou autres fanfaronnades à l’égard des Babyloniens. Et les va-t’en guerre de le prendre de haut : « nous avons le Temple du Seigneur, que pourrait-il bien nous arriver ? » Et de s’interroger : « ce Jérémie, ne serait-il pas un agent du roi de Babylone ? N’est-il pas en train de critiquer notre religion en disant qu’il y a trop de prêtres, trop de conseils, trop de prophètes… » Pour ne pas avoir à entendre la Parole de Dieu, mettons à mort le prophète et qu’il nous laisse gérer la religion comme nous l’entendons.

 

L’expérience de Jérémie sera celle d’une fidélité à Dieu qui s’éprouve et se forge au creuset de l’épreuve, d’une fidélité qui lui permet de tenir debout et finalement d’échapper à la fosse et à la mort. La Parole de Dieu ne peut être manipulée, limée, muselée… Jérémie l’a éprouvé dans sa chair. Pas tant contre les institutions religieuses et politiques de son temps que contre les peurs et les aveuglements qui font danser les crédules sur la glace avant qu’elle ne cède. Peut-être nous a-t-il été donné cette grâce d’entendre cette Parole qui nous tire hors de l’illusion ou de la confusion… Dépouillés, rincés, nous avons pu alors prendre ce chemin escarpé qui mène à cette liberté désarmée et paisible où nous donne rendez-vous l’Esprit (2 Co 3, 17). 

 

P. Pascal-Grégoire