Paroisse Notre Dame de l'Estuaire

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Carême 2022

A nous la honte au visage

12/03/2022

A nous la honte au visage

Dans la Bible hébraïque, le Livre de Daniel n’est pas compté comme un livre prophétique. Daniel n’est pas prophète en ce qu’il n’a pas été appelé pour porter une parole du Seigneur. Il est « celui qui voit » ce qui advient, ce qui se révèle à ses yeux et à son cœur. 

C’est pour cela qu’il est associé au courant apocalyptique (apocalypse signifie « révélation » et non « destruction »), un courant qui va succéder au temps des prophètes dans l’histoire d’Israël. Mais par deux fois au cœur de sa prière, Daniel fait mention de « tes serviteurs les prophètes. » 

 

Nous sommes à Babylone et Daniel fait partie des Hébreux qui ont été emmenés en déportation à la suite de la chute et de la destruction de Jérusalem. Dans un souci d’intégration et de pragmatisme, comme d’autres jeunes Juifs éduqués, Daniel a été auditionné pour entrer au service du roi de Babylone. C’est en tant que conseiller royal qu’il sera appelé à déchiffrer la vision des doigts traçant des signes sur le mur qui avait terrifié Balthasar et qui de fait annonçait la prise de la ville par les armées perses de Cyrus en – 539. C’est après cet ultime rebondissement que nous retrouvons Daniel qui se tient pour l’heure en prière.

 

Sa prière est une intense prière d’intercession : qu’il soit mis fin, si cela est possible, à l’épreuve de l’exil. La prière de Daniel commence par la confession de la fidélité du Seigneur à son alliance et à l’incapacité lamentable de son peuple à garder les commandements de l’Éternel. Celui-ci n’a eu de cesse que de les presser à re-choisir la vie et le bonheur par les exhortations sans cesse répétées des prophètes. Il s’agissait simplement de vivre en frère et en fils. Rien n’y fit. Le projet de Dieu s’est fracassé sur une falaise d’égoïsme, de méchanceté, d’appétit de rapines et d’étalage d’orgueil. Oublier, mépriser le projet fou d’un Dieu qui par l’expérience singulière d’un groupe humain ferait connaître à l’humanité entière sa puissance de vie et sa seigneurie.  Alors tout a explosé.

 

La prière humble, humiliée de Daniel sait qu’elle peut faire appel à la fidélité et au pardon divin. Elle croit que Dieu est du côté de ce qui peut repartir mais sa prière engage aussi son peuple à l’exigence vitale de l’écoute de la Parole de Dieu. Il n’y a que dans cette confiance première, radicale à l’initiative divine qu’une vie humaine et fraternelle peut être possible, qu’elle puisse prétendre aller plus loin que le chaos, la violence et la mort. Selon le grand poème de la Genèse, Adam et Eve se précipitèrent dans la mort et la souffrance pour n’avoir pas su faire confiance à la parole de vie que leur proposait Yahvé. Tout péché, toute dégradation de l’être personnel et/ou collectif naît de cette même inattention à la Parole divine qui est refoulée, biaisée, alors qu’elle ne tend qu’à une chose, nous maintenir dans sa communion et la vie. Qu’a-t-il bien pu se passer pour que j’en vienne à croire que Dieu ne veuille pas ma vie et ma joie ? Quel serpent tentateur ou quelle idole de papier a pu me susurrer que l’autre était un ennemi ou un bien à consommer ou à manipuler à ma guise ? A l’heure de l’épreuve, comment m’est-il donné de revenir à la Parole de Dieu et de la garder ? Elle seule, de façon invincible, nous conduira à l’aurore.

 

P. Pascal-Grégoire