Paroisse Notre Dame de l'Estuaire
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Paroisse Notre Dame de l'Estuaire
05/03/2022
La Parole de Dieu qui guide notre itinérance de Carême, nous fait passer aujourd’hui par les drailles arides du Livre du Lévitique (en hébreux, Vayikra « Il appela »). Le Lévitique, le troisième livre de la Torah dont il est encore comme le cœur irradiant à l’abri des codes de sainteté et des prescriptions liturgiques : c’est là que retentit cette injonction aussi terrible qu’incandescente. « Soyez saints car moi, le Seigneur, votre Dieu, Je Suis Saint. » Là réside l’appel de l’Éternel !
Probablement qu’en lisant comme moi ce matin ce passage de Lévitique tel que nous le propose la liturgie chrétienne, vous avez été surpris par cette rafale d’interdictions ou de commandements négatifs qui suivent l’injonction divine. Plus qu’une mise en garde visant à faire de bons croyants et de bons citoyens, c’est une exhortation poignante à se mettre en présence, à revenir à l’originel. Un peu à la manière dont Yahvé intime à Moïse d’avoir à ôter ses chaussures pour se rapprocher du Buisson Ardent. Car enfin, toute la Bible ne cesse de nous le rappeler : Dieu seul est saint. La sainteté est ce qui caractérise l’être de Dieu. Par essence, Dieu est inaccessible à l’homme. Comment pourrions-nous être saints, nous qui ne sommes pas Dieu ? Comment pourrions-nous être saints même en mobilisant toute nos maigres ressources et notre piètre bonne volonté ?
Alors le Seigneur nous fait réentendre cet appel pressant comme une invitation à se dépouiller, comme autant d’habits souillés ou de peaux mortes, ce que nous avons laissé proliférer en nous et qui n’appartient pas à son projet créateur. Purification. Évidement. Travail d’enfantement qui se déploie comme une hymne de victoire sur les forces de la mort. Travail de retranchement scandé par l’affirmation répétée quatre fois de la sainteté de Dieu : « JE SUIS le Seigneur ». Il ne s’agit pas de rechercher des choses impossibles pour parvenir à la communion divine, mais bien d’évacuer de nos vies ce qui n’est pas du côté de l’amour, ce qui est venu s’y déposer comme une pollution fratricide. Se dépouiller pour que le plus essentiel de nos vies puisse être exposé à la sainteté même de Dieu. A la manière même de ce que le Christ indique à Catherine de Sienne : « Fais-toi vase et je me ferai torrent. » De quelle épaisseur malséante ou de masque ridicule vais-je pouvoir me défaire en ces jours ?
Et voilà qu’au terme de cette approche de la sainteté de Dieu formulée par des commandements négatifs surgit une prescription qui, elle, est énoncée de façon positive : « tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Un peu comme si Dieu nous disait : « Vois le poids de cette parole. Comprends ce qu’elle implique. Ce n’est qu’au terme d’une attention renouvelée aux mouvements de ton cœur, à ta conduite quotidienne, à la recherche d’une démarche réellement juste et fraternelle que tu pourras réellement comprendre ce que cela veut dire : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », sinon tu demeureras imperméable à ma sainteté. » Ce n’est pas rien : l’accès à la Présence trois-fois Sainte de Dieu passe par l’amour du prochain… C’est si vrai que le Christ reprendra ce verset du Lévitique pour établir sa règle d’or, le double commandement de Dieu et du prochain (Mc 12, 31), le seul commandement qui puisse nous ouvrir à la vie éternelle comme le rappellera Jésus au légiste (Lc 10, 25). Si la sainteté de Dieu est bien de fait inaccessible à l’homme, Dieu lui-même vient nous la partager en faisant le détour par l’attention à notre prochain.
P. Pascal-Grégoire