Paroisse Notre Dame de l'Estuaire
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Paroisse Notre Dame de l'Estuaire
08/03/2022
Nous y retrouvons la reine Esther, l’épouse juive du perse Assuerus qui est probablement à identifier au roi Xerxès, le petit-fils de Cyrus le Grand. Nous sommes deux générations après la fin de l’Exil à Babylone. Certains Juifs ont choisi de rentrer en terre d’Israël, d’autres ont fondé des communautés florissantes dans les grandes cités de l’Empire Perse. C’est ainsi que, née à Suse, Hadassah (« Myrthe » en hébreux) fut choisie pour entrer au harem royal où elle reçut le nom perse d’Esther. Combien sont étonnants les desseins de la Providence divine.
Dans cette prière poignante où nous rejoignons la jeune reine, Esther évoque « celui qui nous combat ». Il s’agit d’Haman, le favori du roi, qui a ourdi un piège terrible et implacable pour éliminer tous les fils et toutes les filles d’Israël de l’Empire Perse qui s’étendait alors de l’Egypte à la Mer Caspienne, de la Grèce à l’Inde. C’est dire de tout l’univers connu de ce moment-là. On ne nous dit pas grand-chose d’Haman, si ce n’est qu’il appartient au peuple d’Amalek. Dans la Bible, ce peuple est une énigme et un danger permanent pour Israël car il n’a d’autre raison d’être que la destruction des fils d’Abraham. Pour les sages d’Israël, il ne fait pas de doute que l’idéologie nazie fut une des dernières manifestations d’Amalek. Il personnifie le Mal absolu, intelligent et sans possibilité de rémission. Mais revenons à la prière de la reine Esther.
S’étant retirée dans sa chambre, Esther commence par faire mémoire du Dieu qui a suscité les Patriarches Abraham, Isaac, Jacob. Sa prière se fait d’abord bénédiction et action de grâce pour l’initiative divine. Ensuite elle va confesser son impuissance radicale et étouffante quand la menace se fait de plus en plus présente, prégnante. Il ne reste à Esther que le Seigneur pour appui, pour espoir. Se pourrait-il que cette histoire unique que Dieu a initiée en se donnant un peuple à Lui s’arrête ainsi dans l’absurde de la violence déchaînée ? Se pourrait-il que le Seigneur qui se manifesta aux temps de l’Exode et de l’Exil, puisse maintenant détourner sa Face loin de ses enfants ? Dans le vertige de l’angoisse, Esther confesse qu’elle n’a que le nom du Seigneur pour salut, la mémoire de ce qu’Il a fait pour se rendre auprès de son époux royal (« quand je serai en présence de ce lion ») pour l’heure entièrement sous la coupe d’Haman, et tenter vaille que vaille de lui arracher une rémission ou une échappatoire pour sauver les siens…
Comment aux jours de deuil et d’incompréhension, comment en ces jours de feu et de folie, la prière d’Esther pourra-t-elle nous rejoindre et nous redonner espérance ? La colère, l’amertume, l’effroi peuvent être les pauvres signes d’une prière naissante, mais d’une réelle prière. Esther nous invite à aller plus loin, à oser croire, à croire passionnément que notre Dieu est un Dieu qui écoute, un Dieu qui est fidèle à son projet et que son projet est vie pour ses enfants. Un Dieu qui donne la force pour que le combat d’aujourd’hui soit le mien et le sien. Pour que triomphe la vie même au cœur du déferlement de la violence et de la haine.
P. Pascal-Grégoire
27/03/2021
Jésus la laisse accomplir ce geste troublant, mélange d’intimité respectueuse et de d’infinie profondeur liturgique. Il laisse Marie accomplir cette ultime onction qui fait écho à l’onction dans l’Esprit aux jours de Jean aux eaux du Jourdain. L’onction d’un messie bientôt crucifié. Tous sont saisis par ce qui est en train de s’accomplir. Il n’y a que l’économe parcimonieux et intéressé, obnubilé par ces questions de trésorerie, qui s’exclut par ses gesticulations de ce moment de grâce intense. Jésus est obligé d’intervenir : « « Laisse-la observer cet usage en vue du jour de mon ensevelissement ! Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours » (Jn 12, 07). Et Marc, le plus anciens des évangélistes, de nous rappeler une des dernières confidences du Maître : « Amen, je vous le dis : partout où l’Évangile sera proclamé – dans le monde entier –, on racontera, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire » (Mc 14, 9).
Une onction pour un Messie crucifié. Une onction pour le Fils mis-à-mort. L’onction d’un Dieu qui se donne entièrement, qui ne peut que se donner entièrement. Par amour. Par passion. Sa Passion pour nous. Jésus ferme un instant les yeux. Les conversations reprennent timidement. Le regard de Jésus croise celui de Juda. Il sait ce que l’orgueil blessé peut produire dans un cœur devenu amer. Même chez un ami… Mais lui, il ne lui retire rien de cette amitié donnée. « Mon ami… » lui redira-t-il encore au jardin de Gethsémani (Mt 26, 50), et cette parole est pleine et vraie comme toute parole du Christ.
Demain, il entrera dans la Ville Sainte et le mystère de sa Pâques. Ici s’arrête notre chemin de carême. Entrons avec Lui maintenant dans la célébration de la Grande Semaine, la Semaine de notre Re-Création et de notre Salut !
P. Pascal-Grégoire.
26/03/2021
Le Maître a quitté au matin la Ville sainte. Son arrestation a été décidée par les autorités religieuses de son peuple. Si le rappel à la vie de Lazare a ébranlé le cœur de beaucoup, c’en était trop pour les grands-prêtres et les experts patentés de la Loi qui voyaient la situation leur échapper complétement. Et à quelques jours de Pessah alors que les pèlerins ne cessent d’affluer vers Jérusalem. Et de tenir ces propos de plus en plus accablants, accusateurs auxquels le Malin se plaît à instiller une logique aussi fausse que meurtrière : « Si nous le laissons faire, tout le monde va croire en lui, et les Romains viendront détruire notre Lieu saint et notre nation. » Le raccourci est saisissant, la démonstration escamotée. Et pourtant, c’est ce qui adviendra précisément quarante ans plus tard, sans que Jésus ou ses disciples n’en soient historiquement responsables.
Quand on veut noyer son chien… Et le grand-prêtre, saisi d’une inspiration subite, qui veut faire de Jésus un bouc émissaire pour couper court à l’effervescence qui monte dans les rues de la ville. Pas un bouc émissaire, mais l’Agneau immaculé d’une Nouvelle Pâque, d’une Pâque inédite dont le sang sera versé pour la multitude. « Ce qu’il disait-là ne venait pas de lui-même ; mais, étant grand prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus allait mourir pour la nation ; et ce n’était pas seulement pour la nation, c’était afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés. »
Aujourd’hui, Jésus est sorti tôt du village et il regarde vers le sud où se découpe dans le lointain la silhouette de ville Sainte. Il fait corps et sang avec la volonté de son Père, avec ce désir infini de vie et d’amour à partager. Il se prépare à entrer dans la grande prière de l’offrande selon son Heure à lui. « Ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne » (Jn 10, 18). Jésus se rend compte que quelqu’un l’a rejoint. Le plus jeune des fils de son ami. Intimidé, l’enfant lui fait signe. Le repas est prêt.
P. Pascal-Grégoire
25/03/2021
Mais l’Envoyé ne périra pas enseveli sous les pierres des zélés. Non, il sera élevé de terre afin que sur les traits du supplicié, soit exposé à tous jusqu’où n’a pas hésité à condescendre la Miséricorde divine : « « Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous comprendrez que moi, JE SUIS » (Jn 8, 28) et cette épiphanie terrible sera la manifestation du salut offert à tous sans exception : « ‘et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes’. Il signifiait par-là de quel genre de mort il allait mourir. » (Jn 12, 32).
Prenant à bras le corps l’antique malédiction que l’on prêtait à l’Éternel selon le Livre du Deutéronome : « Lorsqu’un homme ayant commis une faute passible de mort a été condamné à mort et pendu à un arbre, on ne laissera pas son cadavre sur l’arbre durant la nuit. Tu devras le mettre au tombeau le jour même, car un pendu est une malédiction de Dieu » (Dt 21, 22), Dieu assume en son Fils d’être un maudit, un sans-Dieu, un sans-espérance. C’est dire aussi qu’il n’est plus de vie dont on puisse décréter qu’elle soit écartée de Dieu car l’Éternel lui-même en son Fils s’est rendu présent et aimant jusqu’en ces espaces-là.
Et maître des temps et de l’histoire, Jésus se retire pour l’instant dans une toute petite bourgade au-delà du Jourdain, là où avait commencé sa prédication après le baptême de Jean, là où la police du Temple ne pouvait pas juridiquement intervenir. Viendra bientôt le signe qu’il attend, l’appel angoissé de ses amies de Béthanie et le moment de monter une dernière fois à Jérusalem pour y vivre sa Pâque, notre Pâque.
P. Pascal-Grégoire
24/03/2021
En ces jours-là, la Parole de l’Éternel, Béni-sois Son Nom, se déposa dans le souffle de l’ange et s’en vint visiter l’univers qu’il avait appelé à l’existence jusqu’à la petite chambre d’une toute jeune fille dans un village perdu des collines de Galilée, « une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie. » L’Éternel se mit à danser avec le temps, la Lumière avec la matière, la Parole avec la chair, l’Immanence avec chacune de nos histoires minuscules. Et le nom de la jeune fille était Marie.
Et l’ange lui dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. » L’ange aurait-il oublié le nom de la jeune fille de Nazareth pour qu’il l’appelle « Comblée de Grâce » ? Que néni ! L’Éternel est celui qui créait ce qui n’a jamais existé en faisant entendre sa voix et en nommant ce qui doit advenir comme dans l’ode des origines contée dans la Genèse. L’interpellation divine n’est pas seulement suscitement d’une vie non encore goutée, mais promesse d’un don et d’un rassasiement que nos cœurs ne cessent d’espérer sans oser même les nommer, bonne nouvelle pour tous ?
« Comblée de Grâce » comme une vocation et une bénédiction, une promesse et un envol. De cette Parole inouïe et accueillie au creux de son être, la jeune femme laisse son histoire devenir promesse se réalisant, annonce devenir annonciation, souffle imperceptible visage d’enfant. Je me rappelle d’un jeune se préparant à la confirmation qui disait qu’il aimerait que Dieu l’appelle « Rire du Seigneur. » Et vous ? De quel nom aimeriez-vous être appelé par l’Éternel pour entrer en son mystère d’annonciation ?
P. Pascal-Grégoire
23/03/2021
L’entretien du Maître avait commencé comme à son habitude en initiant ses auditeurs à l’inouï d’une nouvelle relation à Dieu, aux autres et à eux-mêmes. Et de les conduire à contempler cette vérité qui les rendra réellement libres. Qu’est-ce Jésus n’avait pas dit ! La réaction fuse, un véritable scud : « Nous sommes la descendance d’Abraham, et nous n’avons jamais été les esclaves de personne. Comment peux-tu dire : “Vous deviendrez libres” ? » Jésus s’en prendrait-il au fondement le plus intangible de leur peuple, le privilège de leur naissance, le droit du sang, le droit de l’élection ? Abomination. Cela voudrait dire qu’ils seraient comme les autres. Il y a une autre compréhension possible de la parole de Jésus : dans l’antiquité, celui qui n’était pas libre était tributaire de tous les caprices de son maître et cela aurait remis de façon très dangereuse la pureté rituelle et l’affichage scrupuleux de la Loi dont se targuaient les auditeurs de Jésus.
Jésus aura beau essayé de leur ouvrir les yeux et de leur montrer qu’il leur parle de liberté à l’égard du mal et du péché, c’en est trop pour ces hommes qui se sont sentis menacés dans leur légitimité héréditaire et leur possession tranquille de la vérité. Leur réaction primale et violente est à la hauteur du danger qu’ils ont flairé dans les propos de Jésus. Et de cracher leur venin à la face du Maître : « Nous ne sommes pas nés de la prostitution ! » « Tu relatives les privilèges de notre naissance mais, nous, nous sommes bien au courant des bruits qui circulent autour de ta naissance. » Une insulte aussi sûrement mortelle qu’une flèche parthe !
« La vérité vous rendra libre. » Comment accueillons-nous cette Bonne Nouvelle et cette injonction à choisir la vie ? Est-ce que parfois le sentiment d’être nés dans de « bonnes familles », d’être passés par les « bonnes cases » ne nous donnent pas le sentiment d’être légitimement en possession des promesses divines et ne nous ferment à l’accueil de la Présence divine quand elle a le mauvais goût de ne pas se présenter à nous telle que nous l’imaginons ? L’Évangile nous donne une bonne piste de discernement : notre cœur se tourne-t-il vers l’écoute ou la guerre quand surgit l’inouï ou l’inédit ? « Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. »
P. Pascal-Grégoire