Paroisse Notre Dame de l'Estuaire
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Paroisse Notre Dame de l'Estuaire
13/12/2022
« Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre : je façonne la lumière et je crée les ténèbres, je fais la paix et je crée le malheur. C’est moi, le Seigneur, qui fais tout cela. Cieux, distillez d’en haut votre rosée, que, des nuages, pleuve la justice, que la terre s’ouvre, produise le salut, et qu’alors germe aussi la justice. » Dans le monde de la Bible, la bénédiction divine se traduit par un surcroît de vie, la rosée qui fait reverdir les collines et la maternité des femmes. Aussi Dieu se fait-il plus présent aux femmes qui ont du mal à donner la vie comme Sarah, Rebecca, Anne ou Élisabeth…
Mais on en viendrait à oublier ou même à soupçonner les femmes aux maternités nombreuses, les faisant passer pour des personnages de second rang. N’a-t-on pas l’habitude de s’arrêter sur l’histoire de Rachel, la seconde épouse de Jacob, et de négliger quelque peu la figure de Léa, celle que leur père Laban fit épouser en premier à son neveu qui était venu se réfugier auprès de lui quand il fuyait la colère de son frère Esaü ? Nous nous rappelons comment, arrivé au puits du clan, Jacob fut foudroyé par la beauté de Rachel, se fit connaître d’elle, l’embrassa même avant de demander sa main à son père. Nous connaissons les clauses du mariage : sept années de servitude pour la main de la belle Rachel - « Ces sept années furent pour lui comme quelques jours, tant il l’aimait » (Gn 29, 20) et comment, au lendemain de ses noces, il se trouva joué, découvrant Léa, l’ainée des filles de Laban, en sa couche…
Faut-il s’en émouvoir ? Jacob était passé maître es-filouterie, ayant trompé père et frère… alors à malin, malin et demi… Il rempile pour sept autres années de servitude mais avec le droit de prendre dès à présent Rachel sous sa tente. Rachel a la préférence de Jacob mais Léa a peut-être celle de Dieu si l’on en croit Salomon : « Mensonge que la grâce, vanité que la beauté, c’est la femme qui craint Dieu qui mérite les louanges» (Pr 31, 30). Pourquoi Jacob préférait-il Rachel ? Le texte biblique indique que les yeux de Léa étaient tristes, ce que le midrash explique par le fait qu'elle pleurait beaucoup parce qu'elle craignait d'être forcée d'épouser Esaü, le fils premier-né d’Isaac : l’aînée est donnée à l'aîné. Mais Dieu a eu pitié de Léa. La bienveillance divine à l'égard de Léa se manifesta par le fait qu’elle enfanta successivement quatre fils, tandis que Rachel restait stérile. Ce qui motiva une violente scène de ménage entre Jacob et Rachel, à l’issue de laquelle elle lui offrit sa servante Bilha, comme Sarah l’avait fait autrefois avec Agar. De la sorte naquirent deux fils. À son tour Léa offrit sa servante Zilpa à son époux, et voilà deux nouveaux fils. Le score est nettement à l’avantage de Léa. Deux autres fils naissent encore à Léa et une fille, Dina. Mais un des maîtres du Talmud, Rachi, explique que Léa a prié pour que ce ne soit pas un garçon qui lui naisse encore, ce qui aurait porté sa propre descendance à sept garçons. Léa aurait eu la majorité des fils et Rachel aurait alors été réduite au rang des servantes, ce que sa sœur ne voulait absolument pas.
Toujours selon le Midrash, Léa avait compris que Rachel était à son tour terrifiée d'être répudiée à cause de sa stérilité et mariée à son cousin Esaü (il n’a décidément pas bonne réputation !). Alors Rachel donna enfin deux enfants à Jacob, Joseph, puis Benjamin de par la prière bienveillante de sa sœur ainée. Souvent ignorées du lecteur du texte biblique, la bonté d’âme et la magnanimité de Léa seront célébrées par l’Éternel, Béni soit son Nom, et c’est bien de sa descendance à elle que naîtra le Messie à venir comme le prophétisera Jacob (Gn 49, 10). Jouissant du privilège unique de nommer ses enfants (ce qu’osera faire bien plus tard Élisabeth), Léa n’avait-elle pas appelé son quatrième fils Juda (« Louer ») par reconnaissance, afin de remercier Dieu de lui avoir accordé d’être autant féconde ? C’est du Fils de la louange que naîtrait le Messie de l’Éternel.
P. Pascal-Grégoire