Paroisse Notre Dame de l'Estuaire

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Abiyya, la reine silencieuse

26/11/2022

Abiyya, la reine silencieuse

 « Ce jour-là, le Germe que fera grandir le Seigneur sera l’honneur et la gloire des rescapés d’Israël, le Fruit de la terre sera leur fierté et leur splendeur. Alors, ceux qui seront restés dans Sion, les survivants de Jérusalem, seront appelés saints : tous seront inscrits à Jérusalem pour y vivre » (Is 4, 2-3). Alors que s’élève la voix du prophète Isaïe, lourde de menaces et de mises en garde dans la salle d’apparat du palais en présence du roi Achaz, de ses ministres et de ses hauts-fonctionnaires, une femme se tient en retrait dans la pénombre. 

 

 Elle est toute écoute à la parole de l’Éternel, parole transmise par le prêtre du grand sanctuaire de Yahvé. Après les dénonciations répétées des errements et des bassesses des hommes de Juda, Isaïe parle d’un espoir possible, d’une dignité et d’une intégrité que l’Éternel, Béni soit son Nom, accordera à nouveau à son peuple.

 

    Et toute reine qu’elle est, cette parole rejoint Abiyya au plus intime de son être de femme et de croyante. Non seulement comme tous les habitants de Jérusalem, elle est terrifiée par la progression inexorable des Assyriens qui viennent de prendre et de brûler Samarie, la capitale du puissant royaume d’Israël. Maintenant ils menacent directement la petite principauté de Juda, et elle est révoltée par l’attitude de son époux. Elle ne comprend pas, n’accepte pas qu’Achaz au lieu de s’en remettre au Dieu de leurs Pères, se soit mis à la suite des idoles de Canaan. Et il a osé. Oui, le roi a osé lui arracher leur fils, leur premier-né, pour l’offrir en holocauste à Moloch (2 Roi 16, 6). Elle qui est la fille du grand-prêtre Zekaryahu, elle qui a reçu de lui le beau nom de « Yahvé est mon père », ne sait si elle pourra un jour pardonner à son époux ce double crime. Comment Dieu peut-il encore trouver la force de s’adresser à cette Cour qui le bafoue aussi ouvertement ? Instinctivement, elle sert contre elle son second enfant que lui a tendu la nourrice, c’est peut-être lui qui sera ce germe qui fera l’honneur et la gloire d’Israël dont est en train de parler Isaïe le prophète…

 

Si nous lisons dans la généalogie conservée par Mathieu « Et Ozias engendra Joatham, Joatham engendra Achaz, Achaz engendra Ézékias… » (Mt 1, 9), le nom de la jeune reine, comme celui des autres femmes, n’a pas été conservé comme le voulaient les conventions de l’époque, pas plus qu’elle n’est nommée par le prophète Isaïe et nous ignorerions jusqu’à son identité si elle n’avait été rappelée par les sèches chroniques d’Israël (2 Roi 18, 2). Abiyya, témoin muet de l’œuvre de Dieu qui, par la parole de son prophète, se révèle le maître de l’histoire et le sauveur de son peuple ? Oui mais pas que… La reine n’a pas pris la parole dans la grande salle du Palais, elle n’a pas éclaté en imprécations lorsque les gardes lui ont enlevé son fils premier-né ou bien nous n’en avons pas conservé le cri et la trace.

 

Toutefois ce que la Parole de Dieu nous révèle, c’est combien le second fils d’Abiyya, contrairement à son père, chercha durant toute sa vie à faire la volonté de l’Éternel : « Ezéchias fit ce qui est agréable à Yahvé et mit en lui sa confiance, il resta attaché à Yahvé » (2 Roi 18, 3). Qui était mieux placé que sa mère, fille de prêtre, pour diriger le cœur du jeune prince vers le Dieu des Pères ? Abiyya est le nom et le visage de toutes ces femmes dont l’histoire n’a pas pu ou su retenir le nom mais qui font corps avec la volonté de Dieu, qui font corps avec son projet de vie et de salut. A la violence des temps, ces femmes n’ont eu que leur fidélité et leur espérance à opposer aux puissants. De cette résilience opiniâtre, l’Éternel fera « comme un dais, comme un toit de feuillage, protection contre la chaleur du jour, refuge et abri contre l’orage et la pluie. » Puisse le Seigneur nous donner de rendre grâce pour de telles femmes, maîtresses des horizons du Seigneur.

 

P. Pascal-Grégoire